Mois : octobre 2012

Sortir de l’impasse constitutionnelle

Du point de vue constitutionnel le Québec et le Canada vivent sur du « temps emprunté ». Ils ont tous les deux, en effet, hypothéqué leur avenir depuis le début des années 80 en appliquant une chape de plomb sur les questions fondamentales que toutes les nations doivent un jour où l’autre se poser. Il y a eu une exception – importante il est vrai – à cette règle, les négociations initiées par le premier ministre du Canada Brian Mulroney débouchant sur l’accord du Lac-Meech, le « sabotage » de cet accord et la campagne référendaire de 1995.

 

Depuis le référendum de 1995 règne l’idée assez saugrenue que l’enjeu politique essentiel d’une société est de nature fondamentalement économique! Or, il est temps au Canada comme au Québec de travailler sérieusement à trouver des réponses politiques aux questions politiques, au lieu de reporter sans cesse à plus tard ces questions en espérant que des réformes économiques parviendront à la longue à les faire oublier et que, comme par magie, elles disparaîtront.

 

Dans le cas du Québec, l’une des premières questions politiques à laquelle il convient de s’attaquer concerne le statut de la nation québécoise et du Québec.

Trois options peuvent être envisagées :

 

1)    Le Québec demeure une province canadienne comme les autres avec quelques pouvoirs en plus pour tenir compte de sa spécificité;

2)    Le Québec refonde son association avec le reste du Canada pour obtenir des pouvoirs généralement réservés aux États indépendants ( à la manière du projet cher à René Lévesque qu’il appelait, la « souveraineté-association »);

3)     Le Québec devient un État complètement indépendant – celui de la nation québécoise − et séparé du Canada.

 

On peut imaginer d’autres variantes, mais le choix peut se ramener en réalité à deux options : le Québec demeure une province canadienne ordinaire ou le Québec devient un pays souverain (l’association étant une variante de l’option indépendantiste).

 

L’option 1 est dans une impasse depuis plus de quinze ans. Aucun gouvernement du Québec, souverainiste ou fédéraliste, n’a reconnu formellement la constitution canadienne. C’est d’ailleurs l’une des seules questions politiques fondamentales sur laquelle tous les premiers ministres du Québec se sont unanimement entendus depuis le rapatriement unilatéral de la constitution canadienne par le gouvernement dirigé par Pierre Elliott Trudeau en 1981.

 

Il va de soi que les premiers ministres souverainistes refusent de reconnaître la constitution canadienne. Il est moins évident que leurs homologues fédéralistes agissent de la même manière. Pourquoi en est-il ainsi? La première raison est qu’une telle reconnaissance serait tout simplement rejetée par la population du Québec et qu’aucun chef politique fédéraliste ne veut prendre le risque de s’y aventurer, d’autant plus que l’équivoque actuelle leur permet de gagner du temps. Or, les fédéralistes semblent croire – en tout cas certains d’entre eux – que le temps joue en leur faveur pour des raisons entre autres démographiques liées à l’immigration. Il peut sembler, en effet, que les nouveaux arrivants ne se rallieront jamais majoritairement au projet souverainiste et, qu’à la longue, l’option souverainiste pourrait s’effilocher et disparaître par elle-même. Cette approche teintée de cynisme est, semble-t-il, la seule sur laquelle puisse tabler le fédéralisme au Québec pour venir à bout une fois pour toutes du nationalisme québécois. Or, les Québécois méritent mieux que cela. Ils méritent de prendre eux-mêmes les décisions qui concernent l’avenir de leur nation. Autrement dit, il ne saurait être question d’entériner sans rien dire une telle stratégie politique à bon marché – du moins ce qui semble en être une – qui ferait de la reconnaissance de facto de la constitution canadienne l’équivalent d’une reconnaissance formelle et légitime au sens démocratique du terme. Cela n’est certainement pas une solution acceptable pour la nation québécoise.

 

Les Québécois sont, en effet, capables de décider par eux-mêmes de leur destin. Ils sont capables, en toute connaissance de cause, de fixer le statut politique de leur nation. Une nation avancée, démocratique, ouverte sur le monde et arrivée à l’âge adulte qui doit assumer la responsabilité de son avenir politique. C’est, selon nous, le sens de la parole célèbre de l’ancien premier ministre Robert Bourassa en 1990 : « Le Canada anglais doit comprendre de façon très claire que, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement. » Comme on peut le voir clairement ici, il ne saurait être question, même du point de vue d’un chef fédéraliste – en tous cas d’un chef de l’envergure de Robert Bourassa – de laisser à d’autres que les Québécois eux-mêmes le soin d’assumer le destin de leur nation. Robert Bourassa n’a sans doute jamais envisagé sérieusement l’option souverainiste, mais ses efforts pour réformer le fédéralisme canadien n’ont pas donné beaucoup de résultats.

 

C’est pourquoi il nous semble impératif aujourd’hui de briser l’impasse constitutionnelle dans laquelle se trouve le Québec depuis trop longtemps. Il est pour cela inutile d’espérer obtenir grand-chose d’une nouvelle ronde de négociation avec le gouvernement fédéral et les autres provinces pour une réforme en profondeur de la constitution canadienne[1]. Il est vrai que le Québec a pu obtenir quelques aménagements administratifs au cours du temps, dans le domaine de l’immigration par exemple. Mais, ce type d’aménagements ne change rien au fond des choses. Le Québec demeure privé des plus importants pouvoirs nécessaires à son développement, et normalement reconnus à une nation indépendante.

 

L’alternative devant laquelle les Québécois se trouvent placée est donc la suivante : d’un côté l’impasse constitutionnelle canadienne dont nous venons de parler, de l’autre l’affirmation nationale des Québécois et son aboutissement logique : la souveraineté du Québec. Le véritable enjeu politique du Québec se situe précisément là. C’est donc sur ce terrain que notre action devrait s’orienter.

 

Mais, cela doit être fait dans le respect des règles démocratiques et demandera donc une consultation populaire. D’ici là, le mouvement souverainiste doit se préparer. Il y a plusieurs choses importantes à faire, parmi celles-là se trouve la préparation d’une Assemblée constituante, dont la principale tâche serait de rédiger une constitution pour le Québec. Nous pensons que les États généraux sur la souveraineté, dans la deuxième phase de ses travaux, devrait contribuer à l’organisation d’une telle Assemblée constituante. Une tâche dont les tenants de l’économisme ne veulent pas entendre parler, car elle relève du politique. Ce travail est toutefois inévitable et les Québécois devront inéluctablement le faire un jour ou l’autre. Une nation ne peut vivre indéfiniment dans l’équivoque et les faux-fuyants. Les Québécois – et les Canadiens aussi d’ailleurs – méritent que leurs politiciens leur proposent des projets clairs, qui vont au bout de leurs idées.

 

Compte tenu de ce qui précède, voici comment nous proposons de répondre aux deux questions posées à la page 27 du document intitulé Quel avenir ? Province? Ou pays? et qui s’énoncent comme suit :

 

« Le gouvernement du Québec devrait-il, comme ce fut le cas entre 1982 et 1985, introduire systématiquement une disposition dérogatoire (disposition de dérogation) dans toutes ses lois pour se soustraire à l’application de la Charte canadienne des droits et libertés dans ses articles où cette disposition le permet?

 

Chaque fois que les intérêts supérieurs du Québec sont bafoués par une décision de la Cour suprême, est-il légitime que le gouvernement du Québec ignore ce jugement? »

 

Nous croyons qu’à ces deux questions, il faut répondre « oui ».

 

« Oui », car le Québec possède déjà une Charte des droits et libertés de la personne. « Oui », car le Québec n’a pas de leçons à recevoir du Canada en matière de droits et libertés. En effet, la Charte québécoise garantit, en plus des droits fondamentaux comme le droit à la vie, à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté, le droit à l’égalité, les droits politiques, les droits judiciaires et les droits économiques et sociaux de tous les citoyens du Québec. Et « oui », parce que la Charte québécoise a été promulguée sept ans avant celle du Canada.

 

Il ne sert plus à rien de jouer aux chats et à la souris avec le gouvernement fédéral. Il n’est plus de mise non plus de se comporter comme un peuple enfant ou une nation adolescente. Une nation qui chercherait à déjouer les règlements que des parents qui ne parlent pas le même langage qu’elle – dans tous les sens du terme – tentent de lui imposer.

 

Il y a des faits inéluctables. Le poids politique du Québec au sein de l’ensemble canadien diminue dramatiquement. Rien n’indique un renversement de cette tendance. Au contraire, le centre de gravité politique du Canada se déplace vers l’Ouest. Par conséquent, cela influera – et influe déjà – sur nos capacités à peser dans la balance lorsque vient le temps de décider des politiques publiques fédérales s’appliquant au Québec. Il en ira de même pour nos capacités à influencer les futures interprétations de la Constitution canadienne ainsi que tout changement éventuel à cette Constitution… que nous n’avons toujours pas approuvée!

 

Devant cette perspective, nous pensons que le temps est venu pour les Québécois de songer à se donner à eux-mêmes leur propre règle fondamentale. C’est pourquoi nous proposons de nous atteler à une tâche beaucoup plus constructive et importante que de contourner la loi que tente de nous imposer le gouvernement fédéral depuis le coup de force dirigé par le premier ministre Trudeau en 1981, et de rédiger un projet de Constitution pour le Québec qui implique une participation citoyenne. En effet, la rédaction d’une Constitution décidée par l’Assemblée nationale seule pose de multiples problèmes, dont celui de la légitimité.

 

Une Constitution doit avoir un caractère permanent. Elle doit servir à faire fonctionner et stabiliser la nature de l’État. À rétablir la confiance publique dans les institutions, ce qui serait une excellente façon de tirer un trait sur le Printemps québécois, qui a cristallisé un certain bris de confiance. Une constitution existe pour enchâsser de grands principes, pour donner à un peuple des institutions politiques pour plusieurs générations et lui donner les moyens de se perpétuer dans le temps, d’exister en tant que sujet politique institutionnalisé. Ça ne doit aucunement servir à encadrer des choix d’orientations politiques ou de politiques sociales, que ceux-ci soient de gauche ou de droite. Il faut constitutionnaliser le statut des Québécois et non des programmes de partis pour éviter toute faille politique ou constitutionnelle.

 

Après deux référendums, il importe de crever un abcès qu’aucun parti indépendantiste n’ose véritablement crever et c’est celui du référendisme. En effet, pourquoi avancer dans un agenda référendaire dont la seule issue possible est la victoire ou le recul durable, l’indépendance ou le statu quo? Le problème du référendisme est qu’il place tous les Québécois dans une situation de mort subite. Le projet d’indépendance ne suscite plus de nouveaux appuis notables dans les intentions de vote, car les gens ne veulent plus en entendre parler. Et les gens ne veulent plus en entendre parler, car ils se sont brûlés les doigts à deux reprises, ils ont âprement goûté à la défaite et ils ont maintenant peur de perdre.

 

Cette façon de concevoir l’avenir est dangereuse et stérile pour l’ensemble du mouvement indépendantiste. Elle conduit plusieurs indépendantistes à une impasse discursive et politique, soit celle d’être indépendantistes sans l’être ouvertement. C’est exactement ce que reprochent les petits partis indépendantistes au vaisseau amiral de l’indépendance du Québec. La division du vote, qui génère une profonde insatisfaction pour tous les indépendantistes à la suite du vote du 4 septembre 2012, doit être considérée à ses causes plutôt qu’à ses conséquences.

 

Ainsi, le défi pour les indépendantistes est de concevoir une proposition qui ménage des issues et ferait tout de même avancer le Québec en cas de nouvel échec, qui permettrait à nos concitoyens de transcender les traumatismes de 1980 et 1995 et ne ferait aucun mystère de l’indépendance, des moyens d’y accéder ainsi que de ses conséquences. L’idée est de faire avancer le Québec en même temps que l’on remet le projet d’indépendance en route. Voilà une proposition décente et honnête intellectuellement.

 

Cette proposition est celle de remettre à tous les citoyens du Québec le véritable crayon du pays en tenant une élection constituante. C’est celle de donner la chance aux Québécois et à eux seuls de dessiner eux-mêmes leur avenir et de leur faire entièrement confiance pour cela. C’est l’idée d’organiser une assemblée constituante, fondée en légitimité populaire et ayant un caractère officiel, dont le mandat consiste à rédiger un projet de Constitution du Québec. Une Constitution décrivant les contours d’un nouveau régime politique, de notre citoyenneté, de nos valeurs, nos droits et obligations, de nos rapports entre nous et les institutions du Québec (les rapports entre les institutions aussi) aussi bien que de notre rapport comme citoyen avec l’État nouveau, avec le Canada, avec le monde. Une Constitution écrite en deux modes : une première partie exécutoire et une seconde partie déclaratoire. La partie exécutoire servant à codifier définitivement le Québec et à forcer le jeu d’un éventuel partenariat avec le Canada, souhaité par une partie importante de notre population. Dans l’éventualité très probable où cela ne se produit pas, la seconde partie, en transformant du coup ses clauses déclaratoires en clauses exécutoires, viendrait définitivement sceller l’indépendance politique du Québec. Donc, une proposition qui dans un premier temps assure de faire avancer le Québec. Et qui, dans un second temps lui confirme son indépendance politique.

 

Cette proposition doit faire en sorte que le projet de Constitution du Québec, une fois rédigé par l’Assemblée constituante soit adoptée par l’Assemblée nationale du Québec. Aussitôt, cette dernière doit déclencher un référendum en vertu de la Loi sur les consultations populaires du Québec et faire voter la population sur un projet de Constitution du Québec conçu par cette même population. Une fois adopté démocratiquement par un peuple québécois adulte et confiant en lui-même, le gouvernement du Québec doit décréter la primauté de la Constitution du Québec librement décidée sur celle du Canada, arbitrairement imposée.

 

Cette approche a plusieurs mérites. Elle fonde la légitimité populaire de l’indépendance par un acte fondateur légitime qui a une portée aussi importante qu’un référendum. Elle mobilise le débat public en le recentrant sur la question nationale. Elle suscite l’intérêt de la population autour d’un exercice démocratique de réflexion sur l’avenir du Québec. Elle donne aux citoyens du Québec certains pouvoirs de refonder eux-mêmes les liens et leur fait confiance. Elle évite que le processus d’indépendance ne soit identifié à un personnage central ou chef suprême. Elle offre une avancée concrète au Québec et oblige à l’obtention de compromis honorables pour tous. Elle offre une garantie concrète à tous ceux qui ne veulent pas donner de chèque en blanc au Parti québécois en utilisant les garanties mêmes du projet de Constitution du Québec.

 

Ce projet de Constitution du Québec ne veut pas dire qu’un seul projet de statut politique soit immédiatement privilégié. Nous pensons, au contraire, que les Québécois doivent examiner plusieurs avenues et discuter entre eux de ce qui leur convient le mieux. Ce travail n’a pas besoin de se faire dans la précipitation mais dans la confiance. Les citoyens québécois peuvent tourner à leur avantage la situation actuelle en étudiant calmement les différentes voies possibles. Nous avons du temps pour nous préparer et réfléchir à ce que nous voulons faire.

 

Il existe plusieurs modèles pouvant nous inspirer et nourrir nos discussions, certains proviennent de grands pays comme les États-Unis ou la France, mais d’autres sont issus de petits pays comme la Suède, le Danemark ou même la Suisse. Il nous est possible de considérer les traditions parlementaires britanniques que nous nous sommes appropriées avec le temps. Nous pouvons, à tout le moins, présumer que la grande majorité des Québécois voudront que leur régime politique soit démocratique. Le reste sera l’objet de discussions dont l’objectif sera d’arriver à un consensus suffisamment large pour que le projet de constitution puisse subir l’épreuve d’un vote.

 

Tous les citoyens québécois pourraient participer à un aussi grand projet, car il est possible maintenant de les consulter tout au long du processus grâce aux progrès de la technologie. Ce qui est nécessaire pour réussir, ce n’est pas tant l’argent ou le pouvoir, mais la volonté. Celle de construire les bases d’un nouveau pays démocratique qui prendra sa place aux côtés des autres nations et qui fera honneur à la nation québécoise.

Un 15 octobre avec Mathieu Bock-Côté et Djemila Benhabib

Le lundi 15 octobre, le sociologue, auteur et chroniqueur, Mathieu Bock-Côté et l’auteur de Ma vie à Contre-Coran, Djemila Benhabib seront des nôtres.

Venez discuter dans un cadre informel avec des indépendantistes de tous les horizons. Venez vous faire entendre. Venez faire lever, vous aussi, un pays neuf. Où : Au Gainzbar, 6289 St-Hubert, Montréal Quand : Le lundi 15 octobre, dès 19 h00 Manifestez-vous en grand nombre ! Indiquez-nous votre présence par courriel (contact@unnouveaumouvement.org) ou en vous inscrivant à notre infolettre.

Depuis mai dernier, le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) organise les Lundis de l’indépendance tous les troisièmes lundis du mois.

Les Lundis de l’indépendance sont des soirées-causeries avec des indépendantistes de tous les horizons, le tout dans une atmosphère détendue et informelle. À chaque occasion, plus d’une centaine de citoyens participent à ces soirées. Au fil des mois, nous avons accueilli des invités venant de divers milieux tels que Ghislain Picard (chef de l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador), Bernard Landry, Françoise David, Dominic Champagne, Jean Barbe, Alexis Martin, Danic Parenteau, Geneviève Rochette et François Parenteau.

Chacun des invités est libre de l’angle qu’il souhaite aborder en lien avec l’indépendance du Québec. Ensuite, la parole est donnée au public qui est appelé à échanger avec les invités. Notez que l’événement est webdiffusé.

Pour le NMQ, il est important que le citoyen se réapproprie le politique. Ainsi, la période d’échange est l’essence même de l’activité. D’autant plus qu’une autre de nos missions consiste à sortir des cadres partisans et à reconnaître la richesse que représente notre diversité d’indépendantistes.

Bon événement à tous.